« Quand tu viens ici, tu es altruiste mais tu récoltes, c’est extrêmement enrichissant. »

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Gilles, j’ai 29 ans et je suis à ATD depuis onze mois. Je suis en découverte du volontariat permanent, à savoir l’accompagnement des personnes qui vivent la misère. Même si ça s’appelle du volontariat, ce n’est pas l’équivalent du bénévolat. Je reçois une indemnité. Le but n’est pas de singer la pauvreté, en disant « Moi si je suis aux côtés des gens qui vivent la misère, je dois moi aussi vivre la misère ». Non, le but est de comprendre et d’accompagner de la façon la plus légitime possible. Le montant de l’indemnité perçue n’est pas élevé, car il correspond à un choix de simplicité, et non à un désir d’accumulation. Et il permet de pouvoir se consacrer à son engagement, sans devoir effectuer un autre travail à côté.

Pourquoi es-tu ici ?

Je pense qu’il y a un trait commun entre tous les gens qui s’engagent à ATD d’une façon ou d’une autre, c’est qu’ils se sont demandés à un moment pourquoi les choses sont ce qu’elles sont, pourquoi les normes sont comme ça. Ici, ce sont les normes sociales mais ça peut être comme ça dans tous les domaines. ATD accorde une grande place à la culture et à la façon dont la créativité peut aider à s’affranchir des codes. Ici, on interroge les codes sociaux pour insérer un peu plus d’éthique dans la société.

Comment te définis-tu au sein d’ATD ?

J’ai l’impression qu’ici, chacun peut se définir à sa façon. On m’a envoyé un texte sur la façon dont tu peux créer ton engagement. C’est une question qui m’intéresse. Il y a les grandes lignes : ATD, c’est une histoire, une culture. Mais ce n’est pas qu’une marche à suivre. Le terme « mouvement » indique non seulement que ça évolue, mais aussi que chacun peut s’y inscrire un peu à sa façon, tant que celle-ci est un tant soit peu compatible avec les fondamentaux.

Comment se passe ton année de découverte à ATD ?

Très bien, il y a beaucoup d’indépendance et c’est un caractère que j’adore. J’avais peur d’être soit trop encadré soit que les missions qu’on me donne soient trop limitées mais, au contraire, c’est assez éclaté. Dans mon cas, ça me plaît.

J’ai quatre missions différentes. Il y a d’abord le comité de rédaction au Partenaire. On se réunit pour savoir ce qu’on va mettre dans le trimestriel édité par ATD en Belgique, donc je fais quelques articles là-dedans. Il y a aussi du secrétariat dans le groupe SAMM*, c’est un groupe de militants assez expérimentés qui se réunissent une fois par mois. Ce n’est que du secrétariat, je n’interviens pas vraiment mais, à leur contact, j’apprends quand même énormément, comme ils ont une expérience de dingue. Il y a aussi un projet qui est en chantier actuellement, par rapport à l’accessibilité de la culture pour les personnes qui vivent la misère, ça aussi c’est historique dans le mouvement. Et la quatrième mission, ça fait partie de mon quotidien maintenant, je soutiens le groupe ATD de Sambreville. C’est une cellule qui a un peu souffert, qui est en renaissance et j’essaye de les aider à reprendre du poil de la bête. La consigne qu’on m’a donnée à la base, c’est de ne pas être trop central dans l’organisation. C’est-à-dire aider, soutenir mais ne pas porter parce que sinon une fois que j’arrête, qu’on me demande d’aller ailleurs, tout est perdu. Donc il faut vraiment que j’aide à organiser mais en distribuant en quelques sortes les responsabilités.

Quels étaient tes objectifs de base, est-ce que tu les as atteints ? Et sont-ils atteignables ?

Mon objectif de base, c’était d’abord l’épanouissement personnel. Même s’il y a une dimension altruiste fondamentale dans ATD – tu viens pour autrui – si tu n’es pas bien dans ta peau, c’est dur d’être efficace pour autrui. Donc c’est un peu un enrichissement mutuel. Quand tu viens ici, tu es altruiste mais tu récoltes, c’est extrêmement enrichissant. Est-ce que je l’ai atteint ? C’est quelque chose qui ne s’atteint jamais, c’est toujours en mouvement. Je suis en découverte et il y a beaucoup à découvrir.

Pour finir, qu’as-tu appris à ATD ?

Que j’ai encore beaucoup à apprendre. C’est vaste parce que je partais de rien. Je partais de la fréquentation d’un milieu universitaire, qui plus est celui de la littérature, qui c’est un peu une tour d’ivoire : on ne baigne pas vraiment dans la société, on l’analyse à distance. C’est un peu cliché de dire ça mais dans les faits, c’est aussi un peu vrai. Oui j’ai beaucoup à apprendre, notamment au contact des personnes qui ont l’expérience de la misère, pour arriver à comprendre et à laver un peu les a priori que tout le monde a inévitablement, moi y compris.

* SAMM : Acronyme de Soutien-Action-Mémoire-Militant. Le groupe SAMM est un nouvel espace de parole destiné aux militants, qui vise aussi à assurer une meilleure cohésion entre tous les membres du Mouvement (militants, alliés et volontaires).

 

Interview réalisée par Thien et Léonore, deux élèves de rhéto de l’Institut Saint-Boniface, en retraite sociale à ATD Quart Monde.