France : la bibliothèque de rue, une action de résistance à ce qui écrase

Marseille, été 2013.

A Marseille, une bibliothèque de rue suit un groupe de familles Roms dans leur errance depuis novembre 2012. Au départ, les enfants n’avaient aucune pratique du livre : ils le prenaient à l’envers, ne savaient pas le feuilleter, et cherchaient plutôt à le voler. Les parents ne comprenaient pas non plus le sens de cette présence. Mais un jour où il pleuvait, une famille a proposé à Danielle, une des animatrices, de venir dans son appartement squatté. Ce fut la marque d’un changement d’attitude.
Les animateurs racontent une autre des étapes vécues lors de l’été 2013 :

L’été 2013, dans le campement du square Rathery (où les familles expulsées avaient trouvé refuge), nous avons animé 2 bibliothèques de rue. La dernière fut troublée par l’arrivée de la police, chargée de déloger les familles. Les forces de l’ordre ont encerclé le petit parc public et nous ont fait sortir en même temps que les familles : « Vous êtes avec eux ! » justifie un policier.
Les enfants sont partis rejoindre leurs parents et le cortège s’est formé : les hommes poussant les poussettes sur lesquelles ils avaient entassé leurs maigres biens ; les femmes à côté, donnant la main à leurs enfants ; tout cela dans un silence lourd, à la fois de malheur et de dignité. Une fois le parc vidé, la police s’est postée devant l’entrée d’un petit passage souterrain pour empêcher l’accès au square.

Les familles restent « parquées » sur le trottoir. Dans ce temps vide et angoissant, nous avons décidé d’étaler une natte sur le trottoir, et de sortir les livres.
Sous le regard interrogatif du commissaire et des agents de police, nous avons lu avec les enfants, admirables dans leur intérêt, leur concentration, même s’ils avaient un œil sur leurs parents. Nous avons pu mesurer déjà la confiance des parents, et nous le croyons, la compréhension, le sens, de cette bibliothèque de rue très particulière.

En effet, cette bibliothèque de rue montrait sans discours que ces enfants n’étaient pas des mendiants, mais des enfants comme les autres, dans le fait qu’ils pouvaient s’intéresser aux livres, s’émerveiller. Je crois que cette bibliothèque de rue, ce jour-là, reste gravée dans notre action comme acte de résistance à ce qui écrase, à ce qui détruit notre humanité. Une natte, quelques livres neufs très beaux, dans les pires circonstances, prouvent que le plaisir de la découverte du savoir, la curiosité à comprendre, sont au cœur de l’éducation, et que tout enfant y a droit.