Les inondations et l’école, avec Frédéric – 2/2

[Deux alliés investis dans la Dynamique Ecole ont été concernés par les inondations qui ont durement frappé la région liégeoise cet été. Cet article fait écho à l’interview publiée dans la revue Partenaire 119 – Décembre à février]

C’est en France, grâce au projet « Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée » que Frédéric a rejoint ATD Quart Monde. Plus tard, en Belgique, il rejoint la cellule de Liège afin d’y partager son vécu et ses expériences. En 2019, il reprend en main les actions d’ATD à Liège. Cependant, la première reprise des activités est freinée par le Covid et la deuxième reprise, en 2021, a été arrêtée à cause des inondations qui ont fortement endommagé la maison d’ATD Quart Monde à Chênée. Malgré tout, Frédéric tente de relancer le Mouvement sous d’autres formes, par exemple en organisant des visites dans les familles, avec un binôme allié-militant.

Après un parcours professionnel éclectique, Frédéric est aujourd’hui professeur dans une école professionnelle de Seraing. Dans cette école, beaucoup d’élèves viennent de milieux très défavorisés, dont des primo-arrivants qui arrivent sans connaître le français. Certains élèves sont même isolés et doivent combiner deux ou trois jobs étudiants pour s’en sortir financièrement, ce qui met la réussite de leurs études en péril. L’école est située dans un quartier où les habitants n’osent pas vraiment circuler une fois la nuit tombée car il y a de la drogue, des squats, de la prostitution.

Les inondations

C’est essentiellement par la maison de Chênée que Frédéric a été touché par les inondations. La veille au soir, Frédéric constate que l’eau commence à monter et déborde à certains endroits. Mais comme les informations à la radio disaient de ne pas s’inquiéter, il n’est pas allé voir ce qui se passait à Chênée. Le lendemain matin, tout était inondé car le barrage a lâché pendant la nuit. Ce n’est que deux jours plus tard qu’il a pu accéder à la Maison Quart Monde – après avoir marché deux kilomètres dans la boue. Tout ce qui était au rez-de-chaussée a été perdu et à l’heure actuelle, la moisissure et l’humidité envahissent la maison et l’étage car la maison n’a pas pu sécher.

Frédéric est interpellé par le fait que peu de personnes sont venues chercher des dons, sauf ce qui était de première nécessaire, pour nettoyer par exemple. En général, les personnes qui se rendaient à la Croix Rouge y allait pour laver leur linge ou prendre des essuies et de la nourriture.

Le retour à l’école

L’école de Frédéric a été préservée des inondations. Les élèves qui devaient faire un travail ou étudier leur examen pour la 2e session ont reçu des cours des professeurs. Du matériel a également été mis à disposition mais beaucoup ont refusé de le prendre.

«  On savait qu’untel ou l’autre avait tout perdu, mais même entre élèves, ils ne se le racontent pas. Ils essayent de faire comme s’il ne s’était rien passé. »

A la rentrée, le sujet des inondations n’a pas été abordé. Il y a eu un appel aux dons de matériel, de vêtements pour certaines familles mais beaucoup de familles se cachent, même si les professeurs savent qu’elles sont sinistrées.

Un suivi psychologique n’a pas été mis en place mais lors des conseils de classe, les professeurs discutent des situations compliquées de certains élèves.

L’heure de la reconstruction

Après le choc de l’inondation, il faut se relever et contacter les organismes qui peuvent aider. Frédéric explique : « Il y a plusieurs indemnités possibles mais beaucoup ne sont pas au courant. C’est difficile de se mettre en ordre une fois qu’on est démunis numériquement. ». Pour pallier à cela, une alliée du Mouvement aide les personnes à mettre leur dossier en ordre pour les assurances, pour aller chercher les papiers. Cela prend deux heures par internet et des jours quand on doit tout faire à la main.

« La difficulté est d’attendre le printemps, sans savoir ce qui va se passer. A Chênée, on a laissé une fenêtre ouverte pour aérer, les murs et les planchers sont gorgés d’eau, la moisissure continue à monter. On n’a pas encore le gaz et les voisins non plus. Dans quel état on va retrouver les maisons après l’hiver ? »

L’élan de solidarité

Frédéric a été marqué par tous les gens qui sont venus aider sans connaître personne du coin. Certains ont laissé leur radio, leur matériel. Cet élan de solidarité continue encore. Un jour, ils étaient 22 dans la Maison Quart Monde pour travaille. Pour lui, cette solidarité entre les personnes qui ont vécu ça va rester.

Cette solidarité ne se ressent pas vraiment dans l’école entre les professeurs et les élèves. Frédéric relève toutefois que ce qui va être difficile, c’est la prochaine fois qu’on va annoncer de grandes pluies.